Pourquoi encore éditer aujourd’hui ?

La question chez sèmes nous paraît étrange, de même que les écrivains ont toujours paru étrangers et ceci peu importe leur patrie. Pour nous semer veut dire disséminer, et disséminer écrire. Nous voulons par là affirmer qu’il n’y pas d’impuissance à écrire et qu’au contraire c’est récolter des tempêtes inactuelles dont le centre échappera à toute forme de marchandise. Ainsi, nous ferons toujours crédit aux écrivain.ne.s d’être des étranger.ère.s qui ignorent encore sous quelle latitude vivra leur beauté. Les écrivain.ne.s ne sont pas géolocalisables et les livres non plus. 

Le livre, cet espace épais, fait de bois et d’encre, sur lequel nous nous penchons comme sur une énigme intime, aussi sensuelle que sensible, sensible parce que charnelle, énigme qui n’appartiendra pas à ce siècle qui nous prive déjà de nos mains en les faisant glisser et disparaitre – ce livre, nous l’asseyons encore sur nos genoux, et il rayonne comme le sublime pulsionnel de chacun. 

Nous croyons chez sèmes à la matière tissée entre le lecteur et le livre. Matière que le lecteur aura adoptée plutôt qu’adaptée, faite des temps différents du sien pour les faire devenir le sien propre. Un temps résistant. Résistant à l’oubli généralisé ne produisant que des archives vides. Car oui, pour nous le lecteur est le gardien amoureux d’une mémoire vivante. Et c’est ainsi que nous percevons la nécessité de l’édition chez sèmes : alliance de résistances amoureuses au temps présent. 

De cette alliance étrange, étrangère à tout propos, et contre une certaine masse impérative, impériale, nous voulons en rendre palpable ce singulier motif presque digne de Pénélope. Chez sèmes il y aura toujours une machine à tisser désirant jouer. Ce jeu ne sera ni grand ni absolu. Il sera sémillant entre la poésie, le récit, le théâtre, l’essai, les fragments.

Nos collections ne se réduisent pas pour autant à des catégories, nous croyons plutôt à ce qui sème pluriellement entre elles et les fait s’ouvrir avec fracas en des lieux incalculables. 

Nous affirmons chez sèmes des séismes qui interdisent, des champs de forces qui ébranlent, des émeutes sérieusement joyeuses. Nous ne proposons rien de neuf sinon d’avancer le corps ivre aux bords des livres. Livres qui seront toujours des ponts éclairés par le volcan de vos esprits, ami.e.s lecteur.ice.s.